Les communautés situées près des gisements d’uranium qui dépendent de l’eau de puits souterraine destinée à la consommation présentent un risque plus élevé d’ingestion chronique de faibles doses d’uranium, dont les effets ne sont pas bien connus.
Un diagramme illustrant la présence d’uranium dans l’eau souterraine
Les lésions rénales évidentes sont la principale chose que les scientifiques s’attendent à observer chez une personne qui a ingéré une grande quantité d’uranium. Mais que s’attendraient-ils à observer chez une personne qui ingère constamment de petites quantités du métal lourd?
C’est pourquoi la communauté internationale de la recherche n’est pas absolument certaine.
Ce contexte chronique à faible dose que les chercheurs de Chalk River Laboratories étudient reflète la réalité des communautés dont l’approvisionnement en eau potable repose sur des puits souterrains contenant des niveaux importants d’uranium, une réalité à laquelle les communautés autochtones sont plus à risque de faire face en raison des obstacles systémiques empêchant une infrastructure, une surveillance et des processus de traitement de l’eau potable suffisants sur les réserves.
Dans le cadre de ce projet mené pour le gouvernement fédéral canadien, l’équipe multidisciplinaire de chercheurs travaille avec des experts du Bureau de la radioprotection de Santé Canada pour mieux comprendre comment l’ingestion de différentes concentrations d’uranium affecte le corps au fil du temps. Leurs résultats fourniront des données qui indiqueront s’il est nécessaire de redéfinir les lignes directrices canadiennes sur l’eau potable pour l’uranium naturel.
Au Canada, la concentration maximale acceptable d’uranium naturel total dans l’eau potable est de 0,02 milligramme par litre (mg/L). Et cette valeur spécifique provient d’une étude publiée en 1998 qui a analysé les effets sur la santé des reins observés chez les rats qui ont été exposés à de l’eau potable contaminée par l’uranium pendant trois mois.
Des années plus tard, cependant, les résultats de cette étude entreraient en conflit avec ceux d’une étude réalisée par les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) et l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) française en 2014.
Ce projet conjoint a exposé les rats à de l’eau potable contenant des concentrations d’uranium naturel allant jusqu’à 25 000 à 30 000 fois supérieures à la valeur recommandée au Canada, soit entre 500 mg/L et 600 mg/L, et les chercheurs n’ont observé aucun signe de toxicité rénale.
« Les résultats de ces études divergents suggèrent non seulement que les lignes directrices actuelles du Canada pourraient être extrêmement surprotectrices, mais ils soulignent également à quel point il est important de pouvoir reproduire les données dans plusieurs laboratoires lorsqu’elles sont utilisées pour établir les lignes directrices réglementaires », explique Laura Bannister, biologiste et biochimiste aux LNC au sujet du projet.
Les valeurs des lignes directrices sur l’eau potable de l’uranium fluctuent également considérablement dans le monde entier, ce qui souligne davantage le manque de compréhension unifiée et mondiale concernant la façon dont les reins sont touchés par l’ingestion chronique de faibles doses d’uranium.
Un diagramme illustrant l’étude chez l’animal
« L’exposition à de fortes doses d’uranium sur une courte période endommage les reins, mais c’est principalement la composition chimique du métal lourd qui crée ces dommages, contrairement à sa nature radioactive », déclare Qi Qi, chercheur en radiologie aux LNC.
Lors de l’ingestion, une partie de cet uranium est absorbée dans la circulation sanguine par l’intestin. Ces ions uranium voyagent ensuite vers les reins pour la filtration, mais ces ions de métaux lourds ont tendance à se lier aux composants cellulaires de ces tissus. Essentiellement coincé là, l’uranium peut alors s’accumuler et perturber ou bloquer complètement les processus cellulaires parce que le corps ne sait pas comment l’excréter. Cela peut ensuite compromettre la fonction rénale, explique-t-il.
En tirant parti d’une méthode d’analyse de toxicité orale reconnue à l’échelle internationale par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le projet de recherche actuel a exposé des cohortes de rats à de l’eau potable contenant différentes concentrations d’uranium pendant trois mois afin d’étudier la façon dont elle a affecté leurs reins, et de déterminer si l’exposition a causé d’autres changements biologiques qui ont indiqué des dommages, appelés biomarqueurs.
L’équipe a terminé la période d’exposition de 90 jours requise du projet ce printemps, qui a spécifiquement testé les cohortes pour les réponses aux doses aux concentrations d’uranium de 0 mg/L, 500 mg/L, 1 000 mg/L et 2 500 mg/L. Cela comprenait une cohorte qui a été exposée à la concentration la plus élevée, puis analysée à 28 jours, ainsi qu’une cohorte qui a été exposée à la concentration la plus élevée, puis retournée à la consommation normale pendant un mois après pour comprendre si les effets toxiques observés pouvaient être inversés.
Bien qu’une analyse et une validation plus approfondies soient en cours, les chercheurs ont déjà observé que les réponses biologiques des rats étaient différentes selon qu’ils étaient des mâles ou des femelles, ainsi que la dose d’uranium à laquelle ils ont été exposés, en particulier aux deux concentrations plus élevées. Ils ont observé et suivi ces différences tout en mesurant le poids corporel, le poids des organes et les biomarqueurs sanguins et urinaires des rats tout au long de la période d’exposition.
« Cette recherche et ses résultats futurs aideront à clarifier les risques de l’ingestion chronique d’uranium et à éclairer les valeurs réglementaires. Le travail a également une plus grande importance pour l’équité en matière de santé des Autochtones et soutient de plus grands efforts internationaux pour développer des normes scientifiques en matière d’eau potable et des voies de toxicité rénale », déclare Qi.
Cette recherche est financée par le programme du Plan de travail fédéral sur les activités de science et technologie nucléaires (FNTS) d’Énergie atomique du Canada limitée (EACL), qui met en relation les organismes, ministères et agences fédéraux avec l’expertise et les installations en sciences nucléaires dont nous disposons à Chalk River Laboratories.
Dans le cadre de ce programme, nos chercheurs mènent des projets conçus pour soutenir les responsabilités et les priorités fondamentales du gouvernement canadien dans les domaines de la santé, de la sûreté et de la sécurité, de l’énergie et de l’environnement.