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28 mars 2022

Les Laboratoires Nucléaires Canadiens s’intéressent au « médicament le plus rare sur Terre »

Sur un campus de recherche nucléaire dans la vallée de l’Outaouais, des chercheurs canadiens ont passé des décennies à transformer discrètement la façon dont nous combattons le cancer. Avec l’actinium-225, ils sont sur le point de le faire à nouveau.

Si vous n’avez jamais entendu parler d’un isotope appelé actinium-225, c’est pour une bonne raison. Même avec une armée de scientifiques nucléaires à votre disposition, vous auriez du mal à trouver plus qu’une trace d’actinium-225 sur la planète. Isotope émetteur alpha à courte demi-vie, l’actinium-225 est si rare que sa production annuelle mondiale est inférieure à un grain de sable. Compte tenu de cette rareté, il n’est pas étonnant que l’isotope ait été surnommé « le médicament le plus rare sur Terre ».

Aujourd’hui, les propriétés uniques de l’actinium-225 en ont également fait l’un des isotopes les plus recherchés au monde par la communauté médicale. Ce matériau a fait les grands titres en 2016 lorsqu’un patient allemand souffrant d’un cancer en phase terminale a été traité avec une nouvelle thérapie inédite rendue possible par cet isotope rare. Huit mois plus tard, les tumeurs avaient largement disparu, le patient était toujours en vie et les chercheurs internationaux réclamaient plus d’actinium-225 afin d’explorer le potentiel de ce radio-isotope.

« Compte tenu de ces résultats extraordinaires, on comprend pourquoi ce cas a retenu l’attention du monde entier, et d’autres études se sont révélées tout aussi prometteuses », explique Joe McBrearty, président et chef de la direction des LNC. « Malheureusement, les réserves limitées de cet isotope ont vraiment entravé la capacité du monde à faire avancer la recherche sur l’alpha-thérapie ciblée, le traitement qui utilise l’actinium-225. Il n’y a pas beaucoup de matériau disponible et il est assez difficile à produire. »

C’est alors que les Laboratoires Nucléaires Canadiens (LNC) entrent en jeu. Les LNC exploitent les Laboratoires de Chalk River, au nord d’Ottawa, qui appartiennent à la société de la Couronne du gouvernement fédéral responsable du dossier nucléaire, Énergie atomique du Canada limitée (EACL). Chalk River produisait autrefois plus de la moitié de l’approvisionnement mondial en molybdène-99, un isotope clé utilisé, entre autres, dans les procédures de diagnostic du cancer. Les LNC estiment que les isotopes produits à Chalk River ont été utilisés dans plus d’un milliard de procédures médicales.

Avec la fermeture du réacteur National Research Universal en 2018, les LNC ont cessé de produire du molybdène-99, mais l’entreprise assume toujours un rôle essentiel comme laboratoire de recherche national, avec des forces considérables dans les sciences de la santé et le développement et les tests d’isotopes médicaux et de produits radio-pharmaceutiques.  Face à l’intérêt croissant pour l’actinium-225, les LNC ont rapidement compris qu’ils étaient l’une des rares entreprises au monde à pouvoir non seulement produire des quantités de ce matériau rare à des fins de recherche, mais aussi à pouvoir l’étudier.

« Les LNC disposent de tous les laboratoires de sciences de la santé, de tout l’équipement et de toute l’expertise nécessaires pour mener des programmes de recherche basés sur l’actinium-225. Mais nous disposons également des matériaux nucléaires nécessaires pour produire davantage de cet isotope rare », explique le Dr Jeff Griffin, vice-président des sciences et de la technologie aux LNC. « Au cours des trois dernières années, nous avons mis au point un générateur à petite échelle qui produit suffisamment d’actinium-225 pour nos propres recherches, mais aussi des quantités intéressantes que nous pouvons partager avec des partenaires stratégiques de l’industrie et du monde universitaire pour faire progresser la sécurité et l’efficacité des traitements. »

Comment ces traitements fonctionnent-ils, exactement? L’actinium-225 est attaché à ce que l’on appelle une molécule de ciblage, comme un anticorps, conçue pour chercher les cellules cancéreuses et s’y lier. En se désintégrant, l’isotope émet des particules alpha à haute énergie qui tuent efficacement les cellules cancéreuses, laissant les cellules saines voisines pratiquement indemnes. Avec une demi-vie intéressante de 10 jours, l’actinium-225 reste actif suffisamment longtemps pour combattre le cancer sans s’attarder de façon nocive dans l’organisme. En raison de ses nombreuses caractéristiques uniques, il est considéré comme un isotope « idéal » en médecine nucléaire.

Ce traitement est connu collectivement sous le nom de thérapie alpha ciblée (TAT), et les LNC sont en train de se positionner pour devenir un centre international pour ce type de recherche. Outre la production de radio-isotopes, les LNC disposent également de capacités pour effectuer des recherches biologiques dans leurs installations de recherche biologique, des installations uniques qui possèdent les capacités nécessaires pour effectuer des recherches et des développements liés au TAT pour les universités et les entreprises innovantes, et qui sont en passe d’obtenir la reconnaissance des bonnes pratiques de laboratoire (BPL).

Mais des projets encore plus ambitieux sont en préparation. Les LNC voient une occasion évidente de tirer parti de leur héritage en matière de production et de traitement d’isotopes, et ils envisagent la construction de nouvelles installations sur leur campus principal, ce qui permettrait d’établir une chaîne d’approvisionnement commerciale stable pour l’actinium-225. Dans la poursuite de cet objectif, les LNC ont récemment signé un protocole d’accord avec ITM Isotope Technologies Munich, une importante société de biotechnologie radiopharmaceutique basée en Allemagne.

Tout cela est passionnant pour les nombreux chercheurs qui font tranquillement progresser la science et la technologie nucléaires aux Laboratoires de Chalk River, une institution scientifique canadienne qui a autrefois transformé la façon dont le monde combat le cancer et diagnostique de nombreuses maladies mortelles, et qui a donné de l’espoir à des millions de personnes dans le monde entier. Et avec l’actinium-225, ils sont sur le point de le faire à nouveau.

* Article paru à l’origine dans l’encart « Advancements in Cancer Care » du Toronto Star du 20 mars 2021 (traduction).



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