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2 février 2023

Une première pour l’industrie nucléaire : les chercheurs des LNC ont réussi à imprimer en 3D en utilisant le dioxyde d’uranium

L’un des avantages de travailler pour le laboratoire nucléaire national du Canada, c’est pourvoir faire des recherches uniques en leur genre. Par exemple, l’impression 3D de parties du dioxyde d’uranium (UO2) par les chercheurs en combustibles des Laboratoires Nucléaires Canadiens (LNC). La plupart d’entre nous savent que l’impression 3D est un processus consistant à créer un objet tridimensionnel une couche à la fois en utilisant du plastique et une conception par ordinateur. Eh bien, les chercheurs des LNC utilisent le même processus, mais au lieu d’utiliser du plastique, leur méthode utilise un combustible nucléaire.  En découvrant une technique pour imprimer de nouvelles géométries du type de combustible nucléaire le plus couramment utilisé dans les réacteurs aujourd’hui, ils contribuent à ouvrir la voie à l’amélioration de la sécurité et des performances des futurs combustibles nucléaires.

« Nous avons commencé à étudier l’impression 3D de combustibles en 2017 pour produire des conceptions de combustibles céramiques nouvelles pour qu’ils brûlent de manière plus efficace et plus sécuritaire dans un réacteur », indique James Crigger, un agent technique en recherche et développement de la division Combustibles avancés et physique des réacteurs. « Le combustible d’un réacteur de puissance classique est une pastille fabriquée en pressant de la poudre d’UO2 dans une forme cylindrique, puis en la sintérisant à haute température. Ce processus est extrêmement difficile lorsqu’il est utilisé pour des géométries complexes (designs), car il est déjà difficile de travailler avec la céramique, qui est dure, fragile et fond à très haute température. De plus, les combustibles céramiques n’avaient jamais été imprimés en 3D. »

L’équipe, dirigée par Andrew Bergeron, ancien chercheur des LNC, a compris que ces propriétés céramiques constitueraient un défi pour les méthodes d’impression 3D, qui utilisent généralement la chaleur pour former des géométries modèles à partir de filaments ou de poudre. Cependant, contrairement aux matières plastiques le plus souvent utilisées en impression 3D qui fondent à environ 200˚C, l’UO2 fond à 2 800˚C. Pourtant, avant même de tester l’UO2, l’équipe avait réussi à imprimer en 3D des pièces en dioxyde de thorium (ThO2) – une matière relativement plus facile à imprimer en 3D et qui sert aussi de combustible nucléaire et qu’on songe actuellement à utiliser pour plusieurs concepts de réacteurs. Cette recherche a été soutenue dans le cadre du plan de travail fédéral en science et technologie nucléaires d’Énergie atomique du Canada limitée publiée en 2018.

Comment une conception de combustible d’UO2 novatrice pourrait-elle changer le cours des choses?

Dans un réacteur nucléaire, la pastille de conception cylindrique actuelle atteint des températures élevées de 1 400 ˚C pour les réacteurs CANDUMD et de 1 600 ˚C pour les réacteurs à eau légère. L’un des désavantages de l’UO2 est qu’il est un très mauvais conducteur de chaleur. Il existe donc un énorme gradient de température entre les pastilles de combustible durant le fonctionnement. Qu’est-ce que ça veut dire exactement? Pour une pastille dont le diamètre est de seulement 12 mm, le centre devient extrêmement chaud (>1 400˚ C) alors que le bord extérieur de la pastille qui entre en contact avec le liquide de refroidissement n’est que « tiède » (400˚ C).  Les réacteurs actuels sont conçus pour maintenir le combustible froid dans des conditions de fonctionnement normales.  Cependant, il y a aussi intérêt à augmenter la température du liquide de refroidissement du réacteur et d’avoir un combustible qui tolère encore mieux les températures élevées dans le cas peu probable d’un événement ou d’un accident.

« Une température plus élevée du liquide de refroidissement est toujours souhaitable pour toute centrale thermique de production d’énergie (charbon, gaz naturel, diesel, nucléaire, géothermique, etc.), car cela signifie un meilleur rendement énergétique, c.-à-d. plus d’électricité pour une même consommation de combustible », explique Anil Prasad, chercheur en combustibles chez LNC, qui coordonne actuellement l’activité et les essais d’impression 3D.  « Actuellement, ce sont les considérations de sécurité qui dictent les températures des liquides de refroidissement des centrales nucléaires. »

C’est parce que si la température de l’interface granule/réfrigérant est trop élevée, par exemple dans des scénarios d’accident extrêmes, le centre du granule pourrait atteindre des températures où le granule ne pourrait pas conserver sa forme, se déformerait ou, qui pis est, fondrait. 

L’impression 3D de nouvelles géométries d’UO2

Les chercheurs en combustibles nucléaires tentent d’améliorer le transfert de chaleur entre la pastille de combustible d’UO2 et le liquide de refroidissement par le biais de différentes approches, notamment en ajoutant à l’UO2 des matières à haute conductivité thermique, tels que le carbure de silicium, le diamant ou des métaux réfractaires.  Il en résulte, toutefois, une diminution de la quantité d’uranium par volume dans la pastille de combustible, ce qui n’est pas idéal. « Une autre approche pour améliorer le transfert de chaleur consiste à modifier la géométrie du combustible, par exemple en créant une pastille annulaire (en forme d’anneau), de sorte que le liquide de refroidissement puisse également traverser le centre de la pastille, augmentant ainsi la surface de contact entre le combustible et le liquide de refroidissement, et transférant plus de chaleur », ajoute M. Prasad.

Bien que l’équipe doive encore fabriquer la conception de pastille annulaire, elle a réussi à imprimer de nombreuses autres formes.  En raison de considérations de propriété intellectuelle, la technique utilisée pour imprimer des combustibles en 3D reste actuellement un secret. Donc, comment l’équipe de recherche peut-elle juger l’impression 3D comme une réussite?  La densité est une mesure importante d’un combustible nucléaire. Une pastille de combustible de réacteur CANDU a une densité de 96 % du maximum théorique calculé. Les géométries du combustible d’UO2 imprimées en 3D mesuraient 94 % : un résultat très impressionnant. Les pièces imprimées en 3D ont également été imagées à l’aide d’une machine de tomographie à rayons X qui permet de voir l’intérieur des objets sans les endommager, afin de vérifier la qualité de l’impression.

La capacité d’imprimer l’UO2 en 3D avec une densité représentative est une percée significative qui permettra le prototypage et la fabrication supplémentaires de combustibles nucléaires.  L’équipe est certainement enthousiaste à l’idée de poursuivre sur sa lancée et de contribuer à de nouvelles innovations dans les secteurs du nucléaire et de la fabrication d’additifs.



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